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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/181

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AURORA FLOYD

esprit, plus il était poussé vers Doncastre, et de bonne heure, dans la même matinée où le tranquille mariage avait eu lieu dans l’obscure église de la Cité, il se rendit aux Minories, dans un magnifique temple de modes juives, et y demanda un vêtement complet semblable à ceux que portent les provinciaux élégants. Le marchand juif lui recommanda quelque chose de clair et de gai, dans le genre fantaisie, et Prodder, se soumettant à cette autorité, se vêtit d’un habillement qu’il avait solennellement contemplé à travers la vaste étendue d’une glace, avant d’entrer dans le temple des Grâces. C’était un aristocratique vêtement de voyage, à soixante-dix-sept shillings six pence, et il était fait d’un drap laineux ayant une apparence poudreuse : les couleurs brique cuite et non cuite prédominaient sur un fond couleur pierre de cheminée ; couleur que les tailleurs du West End avaient en vain cherché à trouver, d’après la déclaration du marchand.

Le Capitaine, avec ce vêtement qui était du genre le plus nouveau et le plus distingué, avait peut-être plus l’air d’un mannequin que de la représentation d’un être humain faite par un artiste. Pour ne pas ressembler au marin qui avait apporté les nouvelles du meurtre à Mellish Park, le Capitaine s’était mis à la torture en substituant à l’honnête demi-aune de linge blanc de neige qu’il avait l’habitude de porter renversée sur le large col de sa veste bleu, un col rond, étroit, et une touffe de ruban couleur pourpre. Il eut beaucoup à souffrir de cette invention moderne, mais il supporta cela bravement, et de chez le tailleur il se dirigea tout droit à la station de Great Northern Railway, où il prit son billet pour Doncastre. Il avait l’idée de visiter cette ville comme un touriste de noble race ; il voulait se tenir à distance du voisinage de Mellish Park, mais il voulait être sûr d’entendre parler du résultat de l’enquête, et être à même de s’assurer que rien n’était arrivé à l’enfant de sa sœur.

Le Capitaine ne voyagea pas par l’express qui avait transporté M. et Mme Mellish à Doncastre, mais ce fut par un train plus matinal et moins rapide, se traînant lourdement