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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/197

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AURORA FLOYD

de l’ombre de la mort, et nous nous sommes aperçus qu’il n’était pas immortel.

Il ne faut donc pas s’attendre à ce que Mellish et sa femme puissent avoir les mêmes impressions dans leur joli appartement que celles qu’ils avaient avant le premier naufrage de leur bonheur. Ils avaient échappé au péril et à la destruction, et, par la grâce de la providence, ils avaient abordé sur ce rivage qui leur promettait dorénavant joie et sécurité. Mais le souvenir de la tempête était encore trop présent, et sur les sables, aujourd’hui si lisses, ils voyaient encore hier les écueils s’agiter furieusement et se presser pour les détruire.

Les funérailles de l’entraîneur n’avaient pas encore eu lieu, et ce n’était pas une chose agréable pour Mellish de se rappeler que le corps de l’homme assassiné gisait raide et horrible dans le cercueil de chêne qui était sur un tréteau dans la chambre rustique du cottage.

— Je ferai abattre cette maisonnette, Lolly, — dit John en allant vers la fenêtre ouverte par laquelle il pouvait apercevoir les cheminées gothiques de l’ancienne demeure de l’entraîneur qui apparaissaient à travers les arbres. — Je la ferai abattre, ma chérie. Il n’y a que les garçons d’écurie qui se servent de cette porte ; je la ferai démolir ainsi que l’habitation, et je ferai bâtir quelques grandes baraques avec tout le matériel nécessaire pour la portée des juments. Et nous, nous nous en irons dans le midi de la France, chère ; nous traverserons l’Italie, si vous le désirez, pour oublier tout ce qui se rattache à cette horrible affaire.

— Les funérailles auront lieu demain, n’est-ce pas ? — demanda Aurora.

— Demain, ma chère ! demain, c’est mercredi, vous savez, c’est dans la soirée de jeudi que…

— Oui… oui… répondit-elle en l’interrompant, — je sais… je sais…

Elle tremblait, tandis qu’elle parlait, en pensant aux affreuses circonstances de la soirée à laquelle il faisait allusion, elle voyait l’homme mort devant elle, plein de santé