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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/201

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AURORA FLOYD

d’abord son nom d’une manière ouverte et certaine avec le meurtrier, mais on fit des commentaires sur l’étrangeté de sa conduite, et on appuya beaucoup sur les singulières coïncidences par lesquelles il lui était arrivé de se trouver dans le parc le soir même de la catastrophe, et de se sauver de la maison dans la journée de l’enquête.

— C’est bien singulier, voyez-vous ! — dit le cuisinier, — mais les femmes qui ont des yeux noirs sont généralement hardies. Je ne voudrais pas dire du mal de la femme de M. John. Vous rappelez-vous comment elle a donné son compte à Hargraves ?

— Mais il n’y avait rien entre elle et l’entraîneur, n’est-ce pas ? — demanda quelqu’un.

— Je n’en sais rien. Mais Steeve dit qu’elle le détestait comme le poison, et qu’il n’y avait pas d’amour entre eux.

Mais pourquoi Aürora aurait-elle haï l’homme mort ? La veuve de l’enseigne avait laissé derrière elle un dard venimeux et avait suggéré à ces domestiques, par des demi-mots et des insinuations, quelque chose dont je ne veux pas souiller ces pages, mais qui était plus vil et plus hideux encore que la vérité. Mais Mme Powell avait sans doute accompli cette lâche action sans prononcer un mot méchant qui aurait pu être tourné contre son savoir-vivre, s’il avait été répété à haute voix dans un salon plein de monde. Elle avait seulement levé les épaules et avait soupiré moitié de regrets, moitié en faisant une prière ; mais elle avait flétri le caractère de la femme qu’elle haïssait d’une manière aussi honteuse que si elle avait écrit un libelle tout entier pour Holywell Street. Elle avait causé un mal qui n’aurait pu être effacé que par la production de l’attestation tachée de sang, qui était en possession de John, et la révélation entière de l’histoire liée à ce fatal morceau de papier. Elle avait fait cela avant de ficeler ses caisses, et elle était partie de la maison qui l’avait abritée, heureuse d’avoir fait ce mal et se consolant de n’en avoir pas fait davantage avec l’idée de continuer au moyen de la poste.

On peut supposer que le journal de Manchester, qui avait