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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/203

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AURORA FLOYD

le sommelier et ses subordonnés, — je suis sûr que vous êtes malade. Tout cela a été trop violent pour vous.

— C’est l’air de cette maison qui m’oppresse, — répondit Aurora. J’avais presque oublié toute cette terrible affaire quand j’étais loin. Depuis que je suis revenue et que je songe que le temps qui m’a paru d’abord si long en misère et en anxiété, et si long en joie, mon cher amour, n’est en réalité que de quelques jours, puisque l’homme assassiné repose encore près de nous, j’espère que je… je serai mieux… quand les funérailles auront eu lieu, John.

— Ma pauvre chérie, j’ai été un niais de vous ramener. Je n’aurais jamais dû le faire ; mais c’est par le conseil de Talbot. Il me pressait si fort de revenir directement. Il disait que s’il arrivait quelque chose à l’occasion du meurtre, nous devrions être sur les lieux.

— Quelque chose !… Quoi !… — s’écria Aurora.

Sa figure pâlit, et le cœur lui manqua. Que pouvait-il y avoir ? Est-ce que cette horrible affaire n’était pas encore terminée ? Elle savait… hélas ! elle ne savait que trop bien, qu’il ne pouvait y avoir aucune recherche dans cette affaire qui ne dût amener son nom devant le public, enchaîné à celui de l’homme mort. Combien de choses cependant avait-elle endurées pour garder ce honteux secret loin du monde ! Que n’avait-elle pas sacrifié dans l’espérance d’épargner une humiliation à son père ! Et quand elle croyait enfin que le sombre chapitre de sa vie était fini, que la page détestable avait été arrachée ; au dernier moment, il y aurait peut-être quelque nouveau désordre, qui pourrait amener son nom et son histoire dans tous les journaux d’Angleterre !

— Oh ! John !… John !… — s’écria-t-elle en éclatant en sanglots nerveux et couvrant sa figure de ses mains crispées, — ne verrai-je jamais la fin de ceci ? Ne serai-je donc jamais, jamais délivrée des conséquences de ma misérable folie ?

Comme elle disait ces mots, le sommelier entra ; elle se leva précipitamment et marcha vers une des fenêtres, pour cacher son visage à cet homme.