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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/65

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AURORA FLOYD

— Oui, et pour toujours.

— Et que je me contente… de… ce… que… vous… me… donnerez ?

— Oui.

— Et si je refuse ?

Elle se retourna brusquement vers lui, en entendant cette question, et le regarda en silence pendant quelques instants.

— Et si je refuse ? — répéta-t-il toujours en fumant.

— Prenez garde à vous ! — dit-elle entre ses dents ; — voilà tout. Prenez garde à vous !

— Quoi ! vous me tueriez, n’est-ce pas ?

— Non, — répondit Aurora ; — mais je dirais tout, et j’aurais la tranquillité que j’aurais dû chercher il y a deux ans.

— Ah ! Ah !… Oui !… — dit Conyers, — ce serait une nouvelle bien agréable pour M. Mellish et pour notre pauvre papa, et un joli scandale pour les journaux. J’ai dans l’idée de vous mettre à l’épreuve pour voir si vous oserez faire cela, madame.

Elle frappa du pied sur le gazon, déchira la dentelle qu’elle tenait à la main, et en jeta les débris au vent ; mais elle ne lui répondit pas.

— Vous voudriez bien me poignarder ou me faire sauter la cervelle, ou m’étrangler, pendant que je suis là, n’est-ce pas, convenez-en, — fit l’entraîneur en riant.

— Oh ! oui, — s’écria Aurora.

Elle rejeta sa tête en arrière avec un mouvement de magnifique dédain.

— Pourquoi donc est-ce que je perds mon temps à vous parler ? — dit-elle. — Mes paroles les plus injurieuses ne peuvent blesser une nature comme la vôtre. Mon mépris ne vous est pas plus pénible qu’il ne le serait à la plus hideuse des créatures qui rampent autour de l’étang.

L’entraîneur ôta son cigare de sa bouche, et en dégagea la cendre avec le petit doigt.

— Non, — dit-il avec un sourire méprisant, — je n’ai pas la peau très-sensible ; et, par-dessus le marché, je suis