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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/67

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AURORA FLOYD

— J’aurais dû l’assommer, — se dit-il enfin, — qu’il soit ou non son mari. J’aurais dû l’assommer, et je l’eusse fait, ajouta à sa manière le Capitaine, si ma nièce ne m’avait paru avoir passablement d’énergie elle-même, et savoir très-bien tirer de crânes bordées de dures paroles. Je trouverai mon couvre-chef si je puis, dit Prodder en cherchant son chapeau parmi les touffes de hautes herbes. Ensuite j’irai trouver mon homme au tourniquet pour lui dire de ne pas encore lever l’ancre. Il va se demander ce que je fais, mais je ne veux pas partir encore, je veux suivre ma nièce et ce malotru boiteux.

Le Capitaine retrouva son chapeau, et courut au tourniquet, où il trouva l’homme du Grand Cerf parfaitement endormi, la tête sur ses genoux, et les rênes à peine retenues dans ses mains. Le cheval, dont la tête disparaissait aux trois quarts dans un sac, paraissait dormir comme le cocher.

Le jeune homme s’éveilla au bruit que fit le tourniquet en tournant sur son pivot, et le Capitaine en marchant.

— Je ne monte pas à bord pour le moment, — dit Prodder ; je vais encore faire un tour dans le bois, la soirée est si belle. Je viens vous le dire pour que vous ne pensiez pas que je suis mort.

— Je le croyais presque, — répondit le cocher ; — vous avez été joliment longtemps !

— J’ai rencontré M. et Mme Mellish dans le bois, — dit le Capitaine, — et je me suis arrêté un moment pour les regarder. Elle est un peu emportée, n’est-ce pas ? demanda Samuel avec une indifférence affectée.

Le garçon du Grand Cerf secoua la tête d’un air de doute.

— Je n’en sais rien, dit-il. Elle est très-aimée dans le pays, des pauvres gens comme des bourgeois. On dit qu’elle a donné des coups de cravache à un pauvre imbécile de garçon d’écurie qu’ils ont eu, parce qu’il avait maltraité son chien ; et c’est bien fait, ajouta le jeune homme d’un ton décidé ; ces crétins sont toujours vicieux.