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HENRY DUNBAR

ment serré contre son sein. C’était son arrêt de mort peut-être. Elle ne s’arrêta et ne ralentit sa marche que lorsqu’elle fut arrivée à l’étroite ruelle qui menait au bord de l’eau.

Elle ouvrit la porte du jardin du cottage, simplement fermée au loquet (les verrous et les serrures n’étaient pas nécessaires en un pareil endroit), et elle monta dans sa chambrette, cette chambrette où son père lui avait dit le secret de sa vie, cette chambrette où elle avait juré de se souvenir du nom de Henry Dunbar. Tout était noir et silencieux dans la maison, car la maîtresse du logis était vieille et infirme, et Margaret était habituée à ne trouver personne pour l’accueillir lorsqu’elle rentrait à la nuit tombante.

Elle enflamma une allumette, alluma sa chandelle et s’assit, tenant en main le journal. Elle le déplia et ses yeux, avides et dilatés, parcoururent les pages. Elle ne tarda pas à trouver ce qu’elle voulait.

« Assassinat de Winchester. — Derniers détails. »

Margaret lut cette horrible histoire. Elle lut le compte rendu du meurtre deux fois… lentement et avec fermeté. Ses yeux étaient secs et elle se sentait au cœur le courage du désespoir.

— J’ai juré de me souvenir du nom de Henry Dunbar, — dit-elle d’une voix lente et sombre, — j’ai de bonnes raisons pour ne pas l’oublier maintenant.

Dès le commencement elle n’avait pas douté le moins du monde, elle n’avait eu qu’une idée et cette idée était une conviction. Son père avait été assassiné par son ancien maître. Cet homme, ce Joseph Wilmot, c’était son père, le meurtrier c’était Henry Dunbar. Le compte rendu du journal lui révéla comment la victime avait, d’après son propre aveu, rencontré son frère à la gare de Waterloo dans l’après-midi du 16 août. C’était précisément dans cette après-midi que Wentworth avait quitté sa fille pour aller à Londres en chemin de fer.