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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

qu’elle préfère infiniment Maudesley à Londres. Songez-vous à retourner dans le comté de Warwick, Lovell ?

— Oh ! oui, au plus tôt. Mon père m’attendait la semaine passée. Je ne suis venu à Londres que pour y accompagner Mlle Dunbar.

— Ah ! ç’a été beaucoup d’obligeance de votre part. Vous connaissez ma fille depuis fort longtemps, autant que j’ai pu en juger par ses lettres ?

— Oui, nous nous sommes connus tout enfants. J’étais très-souvent au château du temps de M. Dunbar père.

— Et vous y serez encore plus souvent de mon temps, j’espère, — répondit courtoisement Dunbar. — Je me figure que je n’aurais pas de peine à deviner un de vos secrets, mon cher Lovell. À moins que je ne me trompe beaucoup, vous éprouvez pour ma fille un peu plus que de l’estime ordinaire.

Lovell garda le silence. Son cœur battait avec force et il regardait le banquier bien en face, mais il ne parla pas ; il se contenta de courber la tête en réponse à la question du millionnaire.

— J’ai donc deviné juste ? — dit Dunbar.

— Oui, monsieur, j’aime Mlle Dunbar avec autant d’ardeur et de franchise qu’on peut aimer la femme de son choix, mais…

— Mais quoi ?… Elle est la fille d’un millionnaire, et vous craignez que le père trouve vos prétentions absurdes, n’est-ce pas ?

— Non, monsieur Dunbar. Si votre fille m’eût aimé aussi sincèrement que je l’aime, je l’aurais épousée malgré vous, malgré le monde, et j’aurais fait mon chemin vers la fortune. Mais un bonheur comme l’amour de Laura n’est pas fait pour moi. Je lui ai avoué mon amour, et…

— Et elle a refusé votre main ?

— Elle a refusé.