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HENRY DUNBAR

Cette opération dura plusieurs heures. Les bougies étaient presque entièrement consumées, et la flamme vacillait faiblement dans les bobèches. Dunbar s’approcha de l’une des fenêtres, écarta le rideau de reps vert, ouvrit les volets massifs, et laissa pénétrer la lumière pâle du matin dans la chambre. Mais il continua son œuvre, lut de vieux documents, noua des papiers jaunis, prit des notes sur les dos des lettres, et d’autres notes sur son agenda, exactement comme à l’hôtel de Winchester. Le soleil dardait ses rayons sur le tapis de Turquie aux couleurs sombres, et le bruit des voitures se faisait entendre dans la rue lorsque le banquier eut achevé son travail. Il avait arrangé tous les papiers avec une précision inusitée et les avait remis dans l’un des portemanteaux ; mais les habits restèrent entassés sur le parquet, dans l’état où ils étaient tombés quand il les avait retirés des malles.

Dunbar ne se borna pas à cette minutieuse inspection. Avant de quitter la chambre, il fit quelque chose encore. Parmi les papiers qu’il avait classés sur la table à écrire se trouvait une petite boîte carrée en maroquin contenant une photographie sur verre. Il tira cette photographie de la boîte, la jeta sur le parquet en chêne poli, à un endroit que ne couvrait pas le tapis de Turquie, et la broya sous le lourd talon de sa botte. Même après qu’elle fut réduite en morceaux, il ne trouva pas complète son œuvre de destruction, car il piétina les fragments jusqu’à ce qu’il ne restât plus de la peinture qu’une poussière brillante. Il l’éparpilla avec son pied, mit dans sa poche la boîte en maroquin vide, et monta à l’étage au-dessus. Il faisait grand jour.

Il était six heures passées, et Dunbar entendit les voix des servantes dans l’escalier de service pendant qu’il montait chez lui. Il se jeta tout habillé sur son lit, et s’endormit profondément.