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HENRY DUNBAR

lice finit par désespérer. La récompense était chose bonne à prendre, mais le mystère semblait impénétrable et petit à petit on cessa de s’occuper du crime. Insensiblement les commères se résignèrent à l’idée désolante que le secret du meurtre de Wilmot resterait à tout jamais un secret. Deux ou trois articles de fonds énergiques parurent dans quelques feuilles du matin. On y excitait les limiers de la loi à faire leur devoir et on y accusait la police de négligence et d’incurie. Il est probable que les journalistes se trouvaient à court de sujets pendant cette saison-là et qu’ils ne furent pas excessivement fâchés de cette mort mystérieuse dans le petit bois. Le public murmura un peu quand les journaux ne parlèrent plus de l’effroyable meurtre de Winchester, mais après la période normale, l’étonnement cessa, et aucun but n’avait été atteint. D’autres assassinats se commirent, aussi féroces dans leur nature que celui-là, et le monde, qui ne se lamente jamais bien longtemps sur ceux qui ne sont plus, commença à songer à autre chose. Joseph Wilmot fut oublié.

Un mois s’écoula très-tranquillement à Maudesley Abbey. Dunbar occupa sa place dans le comté comme une personne d’importance, les salons splendides furent magnifiquement éclairés, les voitures entrèrent et sortirent par les grandes portes du parc, et toute la noblesse campagnarde à vingt milles à la ronde vint offrir ses respects au millionnaire tout récemment revenu de l’Inde.

Il ne fit pas un accueil précisément encourageant aux nombreuses visites ; mais il se soumit à toutes les fêtes que sa fille déclara nécessaires. Il fit les honneurs de sa maison d’un air de grandeur hautaine qui ne laissait pas que d’être assez raide et froid comparé à la grâce affable de ses serviteurs de haute volée. Ceux-ci haussaient les épaules et disaient qu’il y avait du roturier chez Dunbar ; mais ils s’empressaient de reconnaître que