Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome I.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
198
HENRY DUNBAR

— Ceci n’arrivera jamais, — répondit Laura avec impétuosité. — Comment pourra-t-il mieux me connaître, puisqu’il m’évite avec tant de soin ? Il s’écoule parfois des journées entières sans que je le voie. Alors, je fais appel à tout mon courage et je pénètre dans ses tristes appartements. Il me reçoit gracieusement et me traite avec beaucoup de politesse. De la politesse ! à moi qui soupire après son affection. Je reste ensuite quelques instants pour m’informer de sa santé, et je tâche d’être à mon aise en sa présence ; mais il y a toujours dans ses manières une impatience nerveuse qui me dit très-clairement que je ne suis pas la bienvenue auprès de lui, et je finis par m’éloigner le cœur brisé ! Je me rappelle maintenant combien les lettres qu’il m’écrivait de l’Inde me paraissaient courtes et froides ; il avait toujours, pour s’excuser, quelque affaire pressante ; mais il finissait rarement sa lettre sans me dire qu’il songeait avec joie au moment où nous nous reverrions. C’était bien cruel à lui de me tromper ainsi.

Arthur n’était pas un habile consolateur. Dès la première entrevue, il avait vainement essayé d’aimer Dunbar. Depuis cette étrange scène dans Portland Place, il avait soupçonné le banquier d’un lâche assassinat, du crime le plus horrible entre tous ; car il enlève à jamais à l’homme qui l’a commis la sympathie de ses semblables, et lui imprime au front le sceau d’une malédiction qui éloigne à jamais la pitié humaine. Ah ! il faut que la bonté et la miséricorde de Dieu soient illimitées, puisqu’il sait prendre en pitié ceux que l’homme, cette créature pécheresse, repousse impitoyablement !