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HENRY DUNBAR

chanfreins aigus qui avaient été portés par les barbes ardents des hautains croisés anglais, des armures damasquinées de Milan, étaient accrochés aux lambris noircis du vestibule sombre ; des haquebutes écossaises, des arquebuses primitives qui avaient servi sur le champ de bataille de Bosworth, des boucliers et des glaives de bronze de l’âge homérique, des javelines, des arcs, des lances à pointe d’acier, et des épées à deux mains étaient rangés symétriquement sur les sombres panneaux. Plus loin étaient accrochés les andouillers d’un daim géant et la peau d’un renard, qui venaient témoigner des prouesses des chasseurs disparus de la maison de Jocelyn.

C’était une vieille et noble maison. Des princes du sang royal s’étaient assis dans les lourds fauteuils en chêne sculpté. Une reine avait dormi dans le lit de parade que renfermait la chambre à tenture de satin bleu. De loyaux Jocelyn, combattant pour leur roi contre des têtes rondes de basse extraction, s’étaient cachés dans les vastes cheminées, ou avaient évité la mort en fuyant par les passages secrets derrière la tapisserie. Il y avait de vieux tableaux et des coupes antiques ciselées que des Jocelyn des siècles passés avaient trouvés et achetés dans le pays des Médicis. Il y avait des babioles coûteuses en fragile porcelaine de Sèvres qu’un des comtes de la famille avait reçues des mains de la charmante Pompadour elle-même. Il y avait de la vaisselle d’or qu’un roi avait donnée à son jeune et fier favori, à cette époque de la féodalité où les favoris étaient puissants en Angleterre. Il existait à peine dans la maison un objet de quelque valeur sans une histoire particulière qui s’y rattachât, histoire proclamant bien haut l’honneur et la gloire de l’ancienne maison des Jocelyn.

Cette splendide demeure, rendue presque sacrée par des souvenirs légendaires et des hauts faits his-