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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

tout rayonnant de l’éclat que répandait la figure d’une femme. J’hésite presque à redire cette vieille, vieille histoire : l’histoire éternelle de l’amour à première vue.

C’est chose très-belle que cet amour soudain, qui naît d’un regard jeté sur la merveilleuse figure qui a été créée pour nous fasciner ; mais je doute fort, en somme, que ce ne soit pas une des formes les plus viles de la grande passion. L’amour qui commence avec l’estime, qui grandit lentement à mesure que nous connaissons la personne aimée, est à coup sûr le type le plus saint et le plus pur de l’affection.

Cet amour dont nous observons rarement le développement jette de plus profondes racines et devient un arbre plus fort que cette plante qui pousse spontanément et qui se nomme l’amour à première vue. Il manque peut-être à l’arbre les brillantes couleurs de la fleur exotique, mais ses racines enlacent plus étroitement le cœur.

L’homme qui devient amoureux à première vue, l’est généralement de deux beaux yeux bleu tendre et d’un nez au profil grec délicat. L’homme qui aime la femme qu’il a étudiée et appréciée, l’aime parce qu’il la croit la plus pure et la plus sincère de son sexe.

Pour celui-là, l’amour c’est la foi. Le cœur qui aime ne peut douter de la femme qu’il adore, car il l’adore parce qu’il la croit au-dessus du doute. L’amour d’Othello fut sans doute un amour à première vue. Il aima Desdémone parce qu’elle était jolie et qu’elle le regardait avec une douce compassion de jeune fille peinte sur sa figure pendant qu’il lui racontait ses prolixes histoires, sans doute avec toutes les licences que se permet un voyageur, dans le salon de Brabantio.

Le général à face noire aima la jeune Vénitienne parce qu’elle attira son admiration, et non parce qu’il la connaissait. Aussi, plus tard, fut-il tout prêt, par