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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

d’homme à tête folle. Il était un vrai Jocelyn : impétueux, bouillant, hardi ; et à partir du jour où avait eu lieu le dîner à Maudesley Abbey, il ne rêva plus que de Laura. Dès ce moment, il hanta les environs du château. Il y avait à travers le parc un petit sentier où pouvait passer un homme à cheval, et ce sentier conduisait à un petit village nommé Lisford. Si ce village primitif du comté de Warwick eût été l’endroit le plus attrayant de la terre, sir Philip l’aurait à peine visité plus souvent qu’il ne faisait.

Dieu sait quel charme il trouvait dans la vieille rue irrégulière et obscure, et dans le marché aux pavés pointus qu’entouraient des portes de fer rouillées surmontées de l’écusson des Jocelyn. L’herbe croissait dans la paisible cour carrée, la tour de l’église était à moitié cachée par le lierre qui la recouvrait, et les toits en pignon des cottages commençaient à s’effondrer sur les bords, tant ils étaient vieux. L’endroit en lui-même n’était guère fait pour offrir une bien grande attraction au seigneur de Jocelyn’s Rock, dans toute la vigueur de sa virilité ; et pourtant Philip s’y rendit trois fois par semaine en moyenne, à partir de l’époque qui suivit le dîner de Maudesley Abbey.

La grande route était le plus court chemin de Jocelyn’s Rock à Lisford, mais Philip ne se souciait pas de prendre le plus court chemin. Il préférait suivre le charmant petit sentier à travers le parc de Maudesley, la délicieuse arcade gazonnée que formaient les branches entrelacées des vieux ormes, et où régnait une demi-obscurité que rompaient çà et là quelques rayons de soleil. Les bruyères légères tremblaient au souffle de la brise d’automne, l’odeur des pins parfumait l’air, et à travers les basses branches des arbres apparaissait de loin en loin un coin bleu des étangs à moitié dérobés au regard par les feuilles vertes des nénufars. Le calme solennel de ce bois rappelait la quiétude