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HENRY DUNBAR

sacrée d’une église, et en passant par là sir Philip avait de grandes chances de rencontrer Laura.

Il la rencontra très-souvent, non pas seule, car Dora l’accompagnait parfois, et la fidèle Élisabeth était toujours avec elle pour sauver les apparences et veiller de près sur les intérêts de sa jeune maîtresse. Mais malheureusement la fidèle Élisabeth était très-corpulente et un peu asthmatique, et quoique Mlle Dunbar n’eût pu trouver de duègne plus dévouée, elle aurait certainement pu en avoir une plus ingambe. Puis il arriva que Mlle Macmahon, ayant appris par plusieurs démonstrations pratiques la vérité du vieil adage qui dit quelle infériorité une réunion de trois personnes a sur une réunion de deux personnes, contracta l’habitude d’emporter des livres avec elle, et elle ne manquait jamais de s’asseoir et de lire à l’écart à l’ombre de quelque bosquet rapproché du château, tandis que Laura errait dans des régions du parc un peu plus sauvages.

À l’ombre des ormes entrelacés, au milieu des bruyères qui se balançaient au vent, Laura et Philip se rencontrèrent très-souvent pendant la belle saison d’automne. Leurs rencontres, cela va sans dire, furent simplement accidentelles, comme elles le sont toujours en pareil cas, mais elles n’en furent pas moins agréables, quoiqu’elles n’eussent rien de certain.

Peut-être même furent-elles d’autant plus charmantes à cause de cette incertitude. Ils éprouvaient tous deux cette délicieuse fièvre de l’attente qui tient constamment en haleine deux cœurs jeunes et ardents. Les rougeurs soudaines de Laura doublaient sa beauté déjà merveilleuse. Philip tressaillait de joie et d’étonnement, et ses beaux yeux bleus étincelaient quand il entrevoyait sous les arbres la taille élégante et gracieuse de la jeune fille. Comme elle paraissait belle avec les plis de sa robe de soie traînant sur l’herbe