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HENRY DUNBAR

homme mystérieux, et il semblait se complaire dans la brume qui l’entourait.

Le Major avait examiné les concurrents de la grande lutte, et il avait scruté les gentlemen-riders pendant leurs allées et venues. Il fut tellement satisfait de l’apparence de sir Philip et de sa jument Guinevere, qu’il paria contre tous les autres coureurs et mit tout son enjeu sur le baronnet ; puis il fit quelques questions sur sir Philip, qui pendant ce temps avait retiré son pardessus et se montrait dans tout l’éclat de sa casaque de satin écarlate et de sa toque de velours noir. Un fermier des environs qui s’était glissé parmi les amateurs informa le Major que sir Philip Jocelyn allait épouser Mlle Dunbar, fille unique et seule héritière du fameux Dunbar.

Le fameux Dunbar ! Le Major, si imperturbable d’ordinaire, tressaillit légèrement au nom du banquier.

— Quel M. Dunbar ? — demanda-t-il.

M. Dunbar le banquier. Celui qui est revenu de l’Inde au mois d’août dernier.

Le Major poussa tout bas un long sifflement, mais il ne fit pas d’autres questions au fermier. Il tenait un agenda à la main, un petit volume gras et maculé dont il étudiait les pages de temps en temps et sur lesquelles il traçait des hiéroglyphes étranges au moyen d’un petit bout de crayon tout mâchonné. Il se replongea dans la contemplation de son agenda, mais il se parlait à mi-voix de temps à autre et le nom de Henry Dunbar se mêlait à ce monologue.

— C’est lui, — disait-il, — c’est une chance. J’ai lu tout ce qu’on a publié sur cette affaire de Winchester. Je la connais sur le bout de mon doigt, et je ne vois pas pourquoi je n’en tirerais pas quelque chose. Pourquoi n’exploiterais-je pas un peu Henry Dunbar ? Il faut que je dévisage ce monsieur-là après la course.