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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

béiens, indignes de pénétrer dans l’enceinte sacrée du Tattersall, se réunissent à la barbe de la police. Personne ne savait le nom de cet homme, mais, à défaut de désignation plus précise, on l’avait baptisé le Major. Il y avait en effet dans son allure brève et saccadée, dans son vêtement sévèrement boutonné, dans son pantalon à sous-pieds et dans son épaisse moustache, une certaine saveur soldatesque qui avait donné lieu au bruit que l’inconnu devait avoir compté parmi les défenseurs de son pays. Qu’il se fût engagé comme simple soldat et qu’il se fut fait remplacer ; qu’il eût atteint le rang d’officier et qu’il eût vendu sa commission ; qu’il eût été mis à la retraite, qu’il fût déserteur ou qu’il eût été chassé du régiment, nul ne le savait. On l’appelait le Major, et partout où il se montrait, on reconnaissait le Major à un vaste chapeau blanc recouvert en partie d’un large crêpe noir.

Il était de haute taille, et son chapeau le grandissait encore. Ses vêtements étaient râpés, mais râpés de cette façon particulière qui fait croire que le propriétaire a été trempé dans l’huile, puis frotté jusqu’à ce qu’il ait atteint un poli complet. Il portait une longue redingote gris de fer avec un collet en fourrure qui était la même depuis dix ans. Quelque temps qu’il fît, il portait autour du cou un cache-nez élimé qui avait été rouge et au-dessus duquel se montrait un nez aquilin très-proéminent. Personne n’avait vu du Major autre chose que ce nez et sa grosse moustache. Son chapeau lui couvrait entièrement le front, et des sourcils très-noirs et très-épais se voyaient vaguement dans l’ombre des rebords. Jamais il ne se découvrait devant son prochain, et comme il n’avait pas de rapports avec le beau sexe, à l’exception de la fille de comptoir dans une taverne de courses quelconque, il n’avait pas l’occasion de saluer pour témoigner son respect à une femme jeune et charmante. C’était éminemment un