Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome I.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
HENRY DUNBAR

sans cesse contre l’aristocratie, et qu’il a fait pleuvoir tout exprès pour vous contrarier. Mais que vous importe un peu plus ou un peu moins de pluie, puisque vous avez plus de voitures à votre service que n’en avait la princesse dans le conte de fée, car je crois que cette princesse, nommée Badroulboudour, ou de tout autre nom aussi difficile, ne devait pas, ainsi que nous l’apprend l’histoire d’Aladin, avoir de voiture du tout, puisqu’elle se rendait au bain à pied. Ne prenez pas garde à la pluie, mademoiselle.

— Mais c’est un mauvais présage, qu’en pensez-vous, Élisabeth ? — demanda Laura. — Cette pluie me rappelle la vieille ballade de la fiancée sur qui le soleil brille et de la fiancée sur qui la pluie tombe.

— Ah ! grand Dieu ! mademoiselle, vous n’allez pas, j’espère, vous mettre en tête de pareilles fadaises, — s’écria Mme Madden ; — des ballades aussi stupides sont bonnes tout au plus pour le vulgaire, qui fait publier ses bans à l’église de la paroisse. Qu’est-ce que vous voulez que cela puisse vous faire à vous, mademoiselle, qu’il tombe ou non des hallebardes en un jour pareil ?

Mais quoique l’honnête cœur d’Élisabeth fît de son mieux pour consoler à sa manière sa jeune maîtresse, elle était loin d’être satisfaite elle-même.

Le ciel noir, l’atmosphère nébuleuse et cette pluie monotone eussent assombri les idées les plus gaies de l’univers.

Malgré nous, nous sommes les esclaves des influences atmosphériques, et nous ne pouvons avoir le cœur gai ou être heureux dans les noires journées d’hiver, alors que les nuages ternissent l’éclat de nos brillantes espérances, et que dans le sombre aspect que présente la terre, nous nous imaginons voir un sombre rideau qui descend sur un avenir inconnu et nous le dérobe.