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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

tures à ce cortège nuptial, car Dunbar avait insisté pour que la cérémonie eût lieu sans éclat.

Les deux demoiselles Melville, Dora et Lovell étaient dans une voiture. Les filles du Major Melville paraissaient glacées dans leurs toilettes blanches et bleues, et la bise du nord leur avait rougi le bout du nez qu’elles avaient quelque peu pointu. Elles eussent paru jolies, les pauvres filles, si le mariage avait eu lieu en été, mais elles n’étaient pas douées de cette splendide beauté exceptionnelle qui défie tous les changements de température et qui est tout aussi glorieuse sous les haillons de la misère que sous le velours et l’hermine de l’opulence.

Les voitures arrivèrent à la petite porte du cimetière de Lisford. Philip sortit aussitôt du porche et accourut par l’étroit sentier qui menait à la porte d’entrée. La pluie tombait sur lui quoiqu’il fût baronnet et qu’il vînt nu-tête recevoir sa fiancée.

Je crois que le bedeau de Lisford, qui était un enragé tory de la vieille école, fut presque étonné de ce que le ciel lui-même avait l’audace de mouiller la tête découverte du seigneur de Jocelyn’s Rock.

Mais la pluie n’en continua pas moins.

— Les temps sont bien changés, monsieur, — dit le bedeau, à un personnage curieux qui avait l’air d’un étranger et se trouvait auprès de lui, — j’ai lu dans une histoire du comté qu’à l’époque où Algernon Jocelyn épousa dame Margery Milward, veuve de sir Stephen Milward, chevalier, du temps de Charles Ier, il y avait un dais en drap d’or qui s’étendait depuis la porte là-bas jusqu’au porche où nous sommes et deux tours roulantes en osier traînées chacune par quatre chevaux et portant quarante enfants pauvres couronnés de roses qui paraissaient aux fenêtres des tours et faisaient pleuvoir sur la foule des eaux de senteur et des parfums ; et puis il y eut un banquet, monsieur, un