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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

Un grand nombre de Lisfordiens avaient vu l’étranger râpé prendre place dans la voiture de Dunbar, côte à côte avec le grand banquier. Ce fait fut universellement connu dans la paroisse de Lisford et dans deux autres paroisses voisines avant que les ombres du soir fussent descendues sur terre le jour du mariage de Laura, et le Major fut respecté en conséquence.

Il était râpé certainement, ses talons de botte commençaient à s’éculer, et son collet d’habit en poil de chien se dépouillait de sa fourrure. Son chapeau luisait un peu plus que ne l’exigeait l’intérêt de la manufacture de chapellerie. Ses mains osseuses étaient rouges et nues, et un simulacre ridicule de gant se balançait entre son pouce et son index pendant qu’il parcourait la rue du village.

Mais il avait été vu dans la voiture de Dunbar, et, à partir de ce moment, sa personne était devenue l’objet d’un intérêt romanesque. C’était un gentleman ruiné qui avait vu de meilleurs jours, ou bien c’était un avare, peut-être un personnage excentrique qui portait des bottes éculées et des chapeaux luisants pour son plaisir.

On témoigna donc du respect à l’étranger à la Rose et la Couronne, en le saluant quand il entra et sortit, et les Lisfordiens furent charmés de répondre aux questions qu’il voulut bien leur adresser en flânant dans le village.

Il parvint ainsi à obtenir pas mal de renseignements sur les choses en général et sur les habitudes de Dunbar en particulier. Le banquier avait donné à sa connaissance mal vêtue, en même temps que les chèques, une poignée de souverains pour les besoins du moment, et le Major avait les moyens de vivre aussi bien qu’il était possible à la Rose et la Couronne et de payer largement ce qu’il prenait.

— Je trouve l’air du comté extraordinairement sain