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HENRY DUNBAR

votre parole. Comme elle est froide, votre main ! Prenez soin de vous, et, une fois encore, bonne nuit.

— Vous allez à Londres ?

— Oui, encaisser les chèques et m’occuper de quelques arrangements d’affaires.

Dunbar verrouilla la grande porte pendant que les pas de son ami cessaient de se faire entendre sur l’allée sablée que le vent froid avait promptement séchée. Le banquier avait renvoyé ses domestiques à dix heures du soir, de sorte qu’il ne restait personne pour le servir ou l’épier quand il revint dans son salon.

Il s’assit auprès du feu consumé, pendant quelque temps, la figure assombrie, songeant et buvant. Ensuite il se coucha, et la lueur de la veilleuse éclairant sa tête pendant qu’il dormait laissa voir sa figure décomposée par d’étranges ombres qui n’étaient pas celles des rideaux qui enveloppaient son lit.

Le Major Vernon chemina d’un pas allègre le long de l’avenue qui conduisait à la porte grillée.

— Deux mille livres ! c’est confortable, — se disait-il tout bas, — c’est très-satisfaisant pour une première fouille dans la mine d’or, mais j’espère que ma Californie me produira un peu plus avant que je ferme mon puits et que je me retire pour vivre des profits de ma spéculation. Je crois que mon ami est un homme sûr, je ne pense pas qu’il se sauve, mais j’aurai l’œil sur lui tout de même. L’œil humain est une grande institution, et je m’en servirai pour épier mon ami.

Malgré le désir naturel de transformer ces bouts de papier oblongs, les chèques signés du nom célèbre de Henry Dunbar, en un autre papier soyeux plus commode encore, ayant cours, et que délivre la Vieille Douairière de Theadneedle Street[1], ou bien en la monnaie jaune du royaume, le Major Vernon n’eut pas l’air d’être bien pressé de quitter Lisford.

  1. La Banque royale d’Angleterre.