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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

— Sans doute, mon enfant. Mais je te dis que je ne puis pas. Je ne tiens pas en place cette après-midi. J’ai parlé de choses qui me mettent toujours le cerveau en feu. Ma sortie n’amènera aucun mal, ma fille, je te le promets. Ce qui peut arriver de pire, c’est que j’aille m’asseoir dans une taverne, y boire un grog au gin, et lire les journaux. Il n’y a rien de bien criminel en cela, n’est-ce pas, Madge ?

La jeune fille sourit en essayant d’arranger le collet de velours éraillé du paletot râpé de son père.

— Non, père, et je voudrais que vous vous amusiez toujours ; mais vous rentrerez bientôt, n’est-ce pas ?

— Qu’entends-tu par bientôt, ma fille ?

— Avant dix heures. Mon ouvrage sera fini vers ce moment, et je vous préparerai un joli petit souper.

— Alors, c’est convenu, je serai de retour ce soir avant dix heures. Je t’en donne ma parole.

Il tendit la main à Margaret, l’embrassa sur les deux joues, prit sa canne dans un coin, et sortit.

Sa fille le suivit de l’œil par la fenêtre ouverte, pendant qu’il remontait l’étroite ruelle au milieu des groupes d’enfants réunis çà et là au milieu du chemin poudreux.

— Que Dieu ait pitié de lui et l’éloigne de tout mal ! — murmura Margaret, joignant les mains et regardant toujours son père qui s’éloignait.

Wentworth fit sonner l’argent qu’il avait dans la poche de son gilet en se dirigeant vers la gare. Il n’avait pas grand’chose : quelques pièces de six pence et de demi-pence ; juste assez pour payer un billet de seconde classe, aller et retour, et son verre de gin à l’eau dans une taverne de Londres.

Il arriva à la station trois minutes avant le départ du train, et prit son billet.

À trois heures et demie il était à Londres.

Mais comme il n’avait aucun but, pas d’amis à visi-