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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

Joseph répondit avec une insouciance presque méprisante.

— C’est étrange, mais on a vu dans le monde des choses bien plus étranges que celle-là ? Il y avait des années que nous ne nous étions vus, mon frère et moi, et notre rencontre a eu lieu aujourd’hui.

L’homme inanimé fut emporté de la gare dans une auberge voisine, modeste et simple maison, mais propre et bien tenue.

On le porta dans une chambre à coucher dont les fenêtres, garnies de persiennes à l’ancienne mode, avaient vue sur la grande route poudreuse.

Le médecin déploya toute son habileté, mais il ne put faire reprendre connaissance au malade. Son âme s’était envolée. Le corps n’était plus qu’un morceau d’argile immobile sous la blanche couverture, et Joseph, assis au pied du lit, le regardait d’un air sombre.

La femme qui devait servir de garde-malade ne tarda pas à arriver, et s’installa au chevet. Mais elle n’eut pas grand’chose à faire.

— Y a-t-il quelque espoir qu’il en réchappe ? — demanda Joseph avec émotion au médecin qui se disposait à se retirer.

— Je crains bien… je crains bien que non…

— Sera-ce bientôt fini ?

— Bientôt, je pense. Je ne crois pas qu’il passe les vingt-quatre heures !

Après cet arrêt, le médecin attendit quelques instants, comptant sur quelque exclamation de surprise ou de douleur de la part du frère du moribond, mais il n’y en eut aucune, et le médecin prit congé après avoir précipitamment souhaité le bonsoir.

Il se faisait tard, et les ombres du crépuscule enveloppant la figure de Joseph la rendaient plus sombre encore qu’elle ne l’avait été dans le wagon.