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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

— Si ce changement complet vous avait coûté cinquante livres, monsieur, au lieu de dix-huit livres, douze shillings et onze pence, vous n’auriez pas à regretter votre argent, car vous ressemblez à un duc ! — s’écria le tailleur dans son enthousiasme.

— J’en suis charmé, — dit Wilmot avec insouciance.

Il se planta devant la glace et roula sa moustache en se regardant d’un air pensif avec un sourire sur la physionomie.

Il se fit ensuite rendre la monnaie, la compta, et mit l’or et l’argent dans la poche de son gilet.

Ses manières étaient aussi changées que sa personne. Il était entré dans la boutique à huit heures du matin en vagabond, tant au physique qu’au moral, il en sortait maintenant en gentleman aux allures aisées, au ton radouci, hautain, et sûr de lui-même.

— À propos, — dit-il en s’arrêtant sur le seuil de la porte, — je vous serais obligé de faire un paquet de toutes mes vieilles nippes et de l’envelopper d’une feuille de papier brun. Liez-le fortement ; je le prendrai ce soir, à la nuit.

Après cette recommandation, faite d’un ton d’indifférence, Wilmot quitta la boutique ; mais quoiqu’il fût maintenant aussi bien mis et eût aussi bonne tournure que n’importe quel gentleman de Southampton, il enfila la première ruelle et sortit de la ville pour aller se promener seul au bord de l’eau.

Il suivit le rivage jusqu’à un village près de la rivière et à quelques milles de Southampton. Là il entra dans une petite taverne enfumée, très-paisible et peu fréquentée, commanda du brandy et de l’eau à une jeune fille qui travaillait derrière le comptoir, et pénétra dans le parloir, — salle boisée, à plafond bas, dont les murs étaient ornés çà et là d’affiches de commissaires-priseurs annonçant les ventes prochaines de bestiaux, de fermes, et d’ustensiles de labourage.