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HENRY DUNBAR

L’air de défi avait fait place à un sourire hautain. La mine renfrognée était devenue le froncement de sourcils de l’homme qui songe.

Ce changement était-il naturel ou simulé ? Provenait-il simplement de l’arrangement de sa barbe et de ses cheveux ? Lui seul aurait pu nous le dire.

Il mit son chapeau, le rabattant toujours sur les yeux, paya le barbier, et s’éloigna. Il se dirigea tout droit vers les docks, et s’informa du steamer l’Électre. L’arrivée n’aurait lieu que le lendemain au plus tôt ; Rassuré sur ce point, Joseph revint chez le tailleur pour choisir ses vêtements neufs.

Cette opération l’occupa longtemps, car il fut aussi difficile à contenter sous ce rapport qu’il l’avait été pour sa barbe et ses cheveux. Un vieux garçon pointilleux, qui a consacré aux soins de sa toilette les plus beaux moments de sa vie, n’aurait pas été plus exigeant que ce vagabond qui avait eu les coudes troués pendant dix ans et avait porté l’habit des forçats pendant treize années consécutives à l’île de Norfolk.

Mais il ne fit pas preuve de mauvais goût dans le choix de son costume. Il ne choisit pas des couleurs voyantes ou des vêtements d’une coupe exagérée. Au contraire, l’habit qu’il prit était parfaitement en harmonie avec le genre dans lequel il avait fait tailler ses cheveux et friser sa moustache. Ce fut la mise d’un gentleman entre deux âges ; élégante, mais scrupuleusement simple et ne choquant l’œil ni par sa couleur ni par sa coupe.

Quand sa toilette fut complète, depuis son chapeau de vingt et un shillings jusqu’à ses bottes vernies qui moulaient son pied bien fait, il quitta le petit salon où il avait changé d’habits, et parut dans la boutique ganté d’une main seulement, et portant une canne de l’autre.

Le marchand et son commis restèrent stupéfaits.