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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

ce que l’esprit humain peut imaginer ou désirer. Elle avait grandi pendant la traversée ; ses robes étaient trop courtes, ses bottines trop petites, ses chapeaux ne lui tenaient pas sur la tête et pendaient d’une façon lamentable sur ses épaules. Il lui fallait des ombrelles, des brosses à cheveux, mille et un colifichets mystérieux ornés de mousseline et de dentelles, des cahiers, des plumes, de la pommade, des crayons, des spécimens géologiques pour ses études, et des centaines d’autres objets dont les noms seuls sont un mystère pour moi. Enfin et surtout, il lui fallait une maîtresse de piano. On disait que l’enfant était d’une jolie force sur cet instrument, et ma sœur tenait à ce qu’elle continuât ses études sous la surveillance d’une maîtresse capable et qui ne prendrait pas trop cher. Ma sœur Marian soulignait cette dernière condition. L’achat et la confection des colifichets absorbèrent entièrement ma mère, qui s’empressa de me confier le soin de trouver une maîtresse de piano pour Mlle Lester.

« Je me mis à l’œuvre de la manière la plus simple. Je consultai les journaux quotidiens, mais je lus un si grand nombre d’annonces faites par des dames qui se disaient accomplies dans l’art de la musique, que je me trouvai confus et embarrassé de l’étendue de mes ressources. Je me décidai à voir ces dames l’une après l’autre, et profitant des belles soirées d’été, je me rendis chez elles après les heures du bureau, quelquefois avec ma mère, quelquefois seul.

« Il est possible que je sois déjà un vieux garçon, un de ces êtres odieux et d’une sensibilité outrée qu’on appelle « maniaques ; » je ne sais ; mais quoi qu’il en soit je ne pus trouver le professeur qui convînt réellement à ma petite Lizzie. Quelques-unes de ces dames étaient âgées et sévères ; d’autres, jeunes et frivoles ; d’autres enfin n’avaient pas d’opinion