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HENRY DUNBAR

coup, Clément,… (Je dus rougir à ces paroles. N’étais-je pas séduit déjà ?) elle aime passionnément la musique, j’en suis sûre ; non parce qu’elle s’est livrée à des extravagances ridicules à cet égard, comme font certaines jeunes filles, mais parce que ses yeux brillaient lorsqu’elle me parla du bonheur que son piano lui avait procuré depuis son enfance. Elle a soupiré un peu en disant cela ; et j’imagine que la pauvre fille n’a guère connu d’autre bonheur.

« — Et quel prix a-t-elle demandé, mère ?

« — Ah ! vous voilà bien, cher Clément ! c’est le commerçant qui perce ! — s’écria ma mère.

« Dieu bénisse ma bonne mère ! Je n’avais fait cette question sordide que pour cacher la joie folle de mon cœur. Que me faisait cependant que cette jeune fille aux yeux noirs donnât des leçons à ma nièce ? Non più mesta ? Pourquoi donc mon cœur était-il rempli d’un tumulte de joyeuses émotions, et pourquoi mon regard se détournait-il ainsi de celui de ma mère ?

« — Eh bien ! mon cher Clément, le prix est presque ridiculement modéré, — ajouta ma mère. — Il n’y a qu’une seule chose qui pourra paraître un inconvénient, non pas pour moi, mais pour vous.

« Je demandai quelle était cette chose. Y avait-il là, pour moi, quelque désappointement glacial ?

« — Voilà ce que c’est, — dit ma mère avec hésitation. — Mlle Wentworth est occupée presque toute la journée, car ses élèves demeurent à de longues distances les unes des autres, et elle perd beaucoup de temps à courir. Il en résulte qu’elle ne peut consacrer à Lizzie qu’une heure le matin de très-bonne heure ou le soir assez tard. Moi je préférerais le soir, car j’aimerais à assister aux leçons ; mais il faut savoir si le bruit du piano ne vous ennuiera pas pendant que vous serez à la maison ? »