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HENRY DUNBAR

ment de cette tête gracieuse sont plus éloquents que la lettre la plus compacte de Mlle Carpenter. Ses amies disaient que cette dernière était ravissante. Elle appelait Byron un « amour » et Shelley un « ange. » Mais si, par hasard, vous lui citiez des vers qui ne figurassent pas dans les Poésies choisies, dans la Couronne de perles poétiques, ou dans les Poètes de salon, il lui était impossible de reconnaître si vous disiez du Byron ou du Ben Jonson. Mais avec Margaret… Margaret ! quel joli nom ! Si je ne vivais pas dans la terreur profonde du Nouveau-Zélandais qui publiera ce manuscrit, je crois que je me laisserais aller à remplir une ou deux pages de ce nom charmant. Si le Nouveau-Zélandais usait de son autorité d’éditeur pour supprimer mes extases, il m’importerait peu ; mais il trouverait là dedans un texte pour des commentaires profonds sur les manières et les usages des amoureux anglais. Tâchons d’être raisonnable sur ce point. Chère enfant adorée !… Mais que fais-je ? Qui me dit qu’il ne va pas surgir un nouveau prêtre évangélique ?

« Nous sommes déjà de vieux amis, et cependant je sais bien peu de choses de son histoire. Elle évite toute allusion à sa famille et à son histoire passée. Quelquefois elle a parlé de son père ; toujours tendrement, mais toujours avec un soupir. Et j’ai cru voir qu’elle s’assombrissait quand elle y faisait allusion.

« Tout amis que nous sommes, je n’ai pu la décider à se laisser accompagner chez elle, quoique ma mère ait suggéré qu’il serait convenable que je le fisse. Elle est habituée à sortir seule, dit-elle, le soir aussi bien que le jour. La crainte lui paraît étrangère, et il faudrait être un animal bien féroce pour s’attaquer à une créature aussi pure et aussi séduisante. »