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HENRY DUNBAR

solus de gagner votre amour. Petit à petit je vous ai attiré jusqu’à ce que vous m’ayez offert d’être votre femme. C’était mon but et mon unique soin. Je réussis, et pendant un temps je me réjouis de mon succès et des avantages qui en résulteraient pour moi. Mais je crois que les natures les plus mauvaises ont parfois un certain genre de conscience ; la mienne s’est réveillée en moi cette nuit, et j’ai résolu de vous épargner le malheur d’être uni à une femme qui descend d’une race pareille à celle qui m’a donné le jour.

Rien ne pouvait être plus insensible que la façon dont Margaret avait prononcé ce discours. Sa parole glaciale n’avait pas tremblé. Elle avait parlé lentement, s’arrêtant à chaque phrase nouvelle. Elle avait parlé comme une misérable créature dont le cœur desséché était presque incapable d’éprouver une émotion féminine.

Clément la regardait avec une expression vague et étonnée.

— Oh ! bonté du ciel, — s’écria-t-il à la fin. — Comment croirai-je qu’il soit possible qu’un homme ait pu être aussi cruellement trompé que je l’ai été par cette femme !

— Je puis partir à présent, monsieur Austin ? — dit Margaret.

— Oui, vous pouvez partir à présent Vous qui fûtes jadis la femme que j’aimais… vous qui avez jeté ce charmant masque en qui j’avais cru, et m’avez révélé le visage d’un squelette… vous qui avez soulevé le voile d’argent de mon imagination pour me montrer l’horreur hideuse de la réalité. Partez, Margaret, et puisse le ciel vous pardonner !

— Me pardonnez-vous, monsieur Austin ?

— Pas encore. Je prierai Dieu de me donner la force nécessaire pour vous pardonner !

— Adieu, Clément.