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HENRY DUNBAR

mère ne se doute qu’il sert la fille du meurtrier de Dunbar, du faux maître du château.

« Nous sommes très-heureux. Le secret de l’histoire de ma femme est caché dans nos cœurs : sombre chapitre du roman de la vie, que personne ne lira sur terre. Le meurtre de Winchester est oublié parmi les autres affreux mystères qu’on ne résout jamais entièrement. Si l’on parle par hasard de Wilmot on dit qu’il est en Amérique : il y a même des gens qui vont plus loin, et qui affirment l’y avoir rencontré.

« Ma mère gouverne notre maison, et depuis cinq ans rien n’est venu troubler notre vie paisible. La jolie villa de Clapham retentit du bruit des voix d’enfants, du chant des oiseaux et des aboiements des terriers. Nous avons fait ajouter une aile à la maison, où sont logés les enfants, et, pour faire pendant, on a construit une serre sur le plan de celle qui orne la demeure de mon associé. Les demoiselles Balderby se sont éprises follement, pour dire comme elles, de ma femme et font souvent invasion en robes bleues ou violettes à volants, dans notre petit salon pour faire ce qu’elles appellent « un peu de musique. » Je me suis aperçu qu’un peu de musique est synonyme, pour les demoiselles Balderby, de beaucoup de bruit.

« Je préfère l’exécution de ma femme, quoiqu’elles soient assez aimables pour exécuter vingt grandes pages de Bach ou de Mendelssohn à mon intention, et je ne suis jamais si heureux que lorsque nous sommes assis en tête-à-tête par une belle soirée d’été, dans notre salon obscur, et que nous causons tous deux pendant que les doigts exercés de Margaret courent doucement sur les touches d’ivoire. »

FIN