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HENRY DUNBAR

manié la lance ou la hache à deux tranchants en l’honneur de sa dame. Quand vous n’avez autre chose à faire que de parcourir de haut en bas quelques mètres de chemin poudreux par une sombre soirée d’hiver, une heure de plus ou de moins vaut la peine qu’on y songe. Cinq heures sonnèrent dix minutes environ après que Margaret fut entrée dans le parc, et Clément se dit que, même dans le cas où Margaret réussirait à obtenir une entrevue avec le banquier, cette entrevue serait finie avant six heures. Mais six heures sonnèrent à l’église de Lisford, et le vent du soir emporta les dernières vibrations de l’horloge sans que la jeune fille eût reparu. Clément arpentait toujours le terrain, le cabriolet attendait ainsi que le cheval, sur le dos duquel avait été jetée une couverture, afin qu’il n’eût pas froid en mangeant son avoine ; le cocher rôdait autour du véhicule et se battait les flancs de temps en temps pour maintenir la circulation. Entre six et sept heures, la patience de Clément fut poussée presque à bout. Entrer en lice sur un coursier fringant tout caparaçonné de broderies confectionnées par les belles mains de la femme aimée, et fournir sa carrière pendant que les trompettes sonnent, que la populace crie bravo et que la reine de Beauté récompense vos prouesses d’un doux sourire approbateur, n’est pas précisément la même chose que de se promener sur une grande route pendant que le vent froid vous pince le nez comme un animal vorace, et que vous ne sentez plus ni vos bras ni vos jambes.

À sept heures, la patience de Clément était épuisée, et à l’impatience avait succédé une vague frayeur. Margaret était allée imposer sa présence à cet homme malgré ses refus réitérés de la voir. Qui pouvait dire si, rendu furieux par l’entêtement de la jeune fille, et fou par le remords de son crime à lui, il n’aurait pas recours à la violence ?