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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

qu’elle avait à remplir envers son père une sorte de devoir, et, en dépit de la négligence de celui-ci, elle ne s’en sentait pas affranchie.

Elle consentit donc en souriant et sortit avec lui.

Elle était jolie et très-bien habillée ; sa toilette était simple, mais élégante, bien comprise ; il n’y avait pas un ruban de cette toilette, hélas ! que son père lui eût donné.

Le capitaine la considérait avec une sorte d’orgueil.

« Sur ma parole, ma chère, vous me faites honneur ! s’exclama-t-il avec une sorte d’air protecteur et satisfait ; en vérité, tout homme pourrait être fier d’avoir une pareille fille. Vous êtes vraiment une Paget des pieds à la tête !

— J’espère que non, papa, » dit-elle involontairement.

Mais la délicatesse chez le capitaine s’était considérablement émoussée dans le tourbillon et les luttes de la vie, et il ne comprit pas ce qu’il y avait de tristesse insolente dans cette remarque.

« Vous avez peut-être raison, mon amour, répliqua-t-il vaguement, les Paget sont une famille peu chanceuse. Comme ces Grecs, les Atri… quel est le nom ?… l’homme qui a été tué dans sa baignoire, vous savez… sa femme ou l’autre jeune personne qui était venue rendre visite à ses filles avait trop fait chauffer l’eau ou quelque autre bévue… je ne me rappelle pas bien l’histoire. C’est une de ces faiblesses que l’on fait apprendre aux jeunes gens dans les collèges. Oui, ma chère, j’éprouve un extrême plaisir à voir combien vous avez gagné en bonne tenue. Ces Sheldon vous habillent très-bien, et je considère votre séjour dans cette famille comme un très-heureux arrangement pour tout le monde. Vous faites honneur à la fille et la mère vous