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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

assure une résidence confortable. Tout ce qui m’étonne, c’est que vos beaux yeux n’aient pas déjà produit leur effet sur quelque riche compagnon boursier de Sheldon.

— Nous voyons fort peu, à La Pelouse, de ces compagnons boursiers, comme vous les appelez, papa.

— Vraiment ! je croyais que Sheldon recevait nombreuse compagnie.

— Oh ! non. Il donne un dîner de temps à autre, un dîner d’hommes habituellement, et la pauvre Mme Sheldon se tourmente beaucoup pour que tout aille bien, comme elle dit ; mais je ne vois pas qu’à présent il se soucie d’avoir du monde.

— Comment, à présent ?…

— Son esprit paraît complètement absorbé par les affaires. Cette horrible poursuite du gain semble occuper sa pensée en tout temps. Il lit continuellement les journaux financiers : Le Moniteur Financier, Le Bulletin de la Bourse, le Guide du Spéculateur, et autres publications de ce genre. Lorsqu’il ne lit pas, il réfléchit, et, à ses manières on pourrait croire que ses pensées sont toujours sombres, tristes. Quelle misérable, odieuse, et vilaine existence ! Pour tout l’or du monde je ne voudrais pas être cet homme ! Mais il y a de l’indiscrétion de ma part à dire de pareilles choses. M. Sheldon est très-bon pour moi. Il me laisse m’asseoir à sa table, partager le bien-être de sa maison, je serais ingrate si j’en parlais mal. Je n’ai pas l’intention de rien dire contre lui, vous comprenez, papa ; je veux dire seulement qu’une vie uniquement vouée à gagner de l’argent a en soi quelque chose d’odieux.

— Ma chère enfant, vous pouvez être certaine que tout ce que vous me direz n’ira pas plus loin, dit avec dignité le capitaine ; en qui donc auriez-vous confiance,