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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

en Normandie. Vous n’avez pas besoin de parler de lui à vos amis les Sheldon.

— Pas même à Charlotte ?

— Pas même à Charlotte. Je ne me soucie pas que ces personnes-là se mêlent de mes affaires.

— Mais, cher papa, pourquoi faire un mystère d’une chose si peu importante ?

— Je ne fais pas un mystère, mais je déteste les bavardages. Mme Sheldon est une incorrigible bavarde ; et sans doute sa fille ne vaut pas mieux.

— Charlotte est un ange, papa.

— Cela est très-possible ; mais je demande que vous vous absteniez de parler de mon ami, M. Lenoble, même en son angélique présence.

— Comme il vous plaira, papa, » dit gravement Diana.

Elle se croyait obligée d’obéir à son père en cette circonstance ; néanmoins, l’idée de ce mystère, de ce secret, était antipathique à sa loyale nature. Elle lui donnait à penser que la liaison de son père avec le Français était le signe de quelque nouveau projet.

Ce n’était pas une amitié avouable, autrement le capitaine eût été fier de l’avouer, fier de montrer que, dans ses jours de décadence, il pouvait se faire un ami.

Ce ne pouvait être qu’une alliance d’affaires, clandestine, furtive ; une conspiration sociale qui avait besoin d’être conduite dans l’obscurité.

« Pourquoi papa m’a-t-il fait venir s’il a besoin de tenir secrets ses rapports avec ce gentleman ? » se demanda-t-elle à elle-même.

Et elle ne put trouver de réponse à cette question.

Elle se représenta à elle-même M. Lenoble comme devant être une sorte d’être machiavélique, au teint