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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

jaune, à la figure rusée, dont les affaires en Angleterre ne pouvaient être marquées qu’au coin de la trahison, de la conspiration, de la fraude, de tout ce qu’il pouvait y avoir de criminel et de mystérieux.

« Laissez-moi retourner à Bayswater ayant que ce gentleman arrivé, papa, dit-elle. Je viens d’entendre sonner sept heures et je sais que l’on s’attend à me voir rentrer de bonne heure. Je reviendrai lorsque vous le désirerez.

— Non, non, mon amour, il faut que vous attendiez pour voir mon ami. Parlons un peu des Sheldon. Y a-t-il quelque chose de nouveau depuis la dernière fois que je les ai vus ?

— Rien, papa. Charlotte est très-contente. Elle a toujours eu d’heureuses dispositions, mais elle est plus gaie que jamais depuis son engagement avec… Valentin.

— Quelle absurde infatuation ! murmura le capitaine.

— Et lui… Valentin… est très-bien, il travaille énormément… et… il aime beaucoup Charlotte. »

Elle avait eu besoin de faire un effort pour dire cela : elle se croyait cependant guérie de cette folie qui, autrefois, avait été si douce pour elle.

Mais parler ainsi de lui, le séparer de sa propre vie, le considérer comme lié à la vie d’une autre, tout cela ne pouvait apparaître à son esprit sans réveiller un peu ses anciennes douleurs.

Pendant qu’elle parlait un double coup de marteau se fit entendre à la porte d’entrée et des pas résonnèrent presque aussitôt dans l’escalier ; des pas vifs et fermes, des pas qui ne révélaient certainement rien de furtif.

« Mon ami Lenoble, » dit le capitaine.

Et au même instant entra dans la chambre un gentleman, un gentleman qui, sous tous les rapports, était