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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

encore, allaient porter atteinte à la confiance qu’il pouvait inspirer.

« Ce M. Lenoble l’aime et se fie à lui, pensait-elle en elle-même. C’est un grand bonheur pour le pauvre vieillard abandonné d’avoir un aussi bienveillant ami ; et je puis, moi, sa fille, réduire à rien cette touchante amitié. »

Telle était la tournure de ses pensées pendant qu’elle marchait silencieusement à côté de Gustave, la main légèrement appuyée sur son bras.

Il lui adressa deux ou trois fois la parole sur la tristesse du quartier, le froid de la soirée, ou quelque autre sujet aussi significatif, mais jugeant par ses réponses qu’elle était toute à ses réflexions, il ne chercha pas davantage à continuer la conversation.

« Pauvre enfant ! elle a peut-être quelque chagrin, » pensa-t-il tristement en lui-même, car ses sympathies pour elle étaient un sentiment très-profond.

C’était la première fois qu’il avait eu occasion de se trouver seul avec elle et il était très-surpris de l’étrange émotion que lui causait la nouveauté de la situation.

Il s’était marié à l’âge de vingt ans et n’avait jamais connu ces courts instants de caprice ou ces passions folles qui jettent au vent la fraîcheur du cœur.

Il avait épousé une femme peu susceptible d’être aimée, mais sa nature était si essentiellement heureuse que jamais il n’avait découvert ce qui pouvait manquer dans sa vie.

Dans toutes les situations, comme petit-fils, mari, père, maître, il avait été tout simplement parfait, comme le déclarait Cydalise lorsqu’elle parlait de lui.

Occupé comme son esprit l’était sans cesse des soins à donner au bien-être et au plaisir des autres, il n’avait