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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

jamais senti le vide qu’il pouvait y avoir à remplir pour faire complètement heureuse son existence à lui.

Dans ces derniers temps seulement, à l’âge de trente-quatre ans, Lenoble avait compris qu’il y avait au monde un sentiment plus profond que celui des devoirs à remplir envers une femme malade ou d’une affectueuse sollicitude pour des orphelins ; dans ces derniers temps seulement il avait senti son cœur agité par une émotion plus vive que la tranquille résignation à la volonté de la Providence dont il avait fait preuve à l’époque où il faisait sa cour à Mlle de Nérague.

Ils avaient presque atteint Sloane Square avant que Diana eût trouvé assez de courage pour aborder le sujet qui lui répugnait si naturellement.

Elle eut besoin de se rappeler que le bien-être de Lenoble et de tous les siens pouvait dépendre de sa force de caractère.

« Monsieur Lenoble, commença-t-elle enfin, j’ai à vous dire quelque chose qui m’est très-pénible, mais dont il est, je crois, de mon devoir de vous entretenir. Je vous demande seulement de le prendre en bonne part.

— Mais, ma chère mademoiselle Paget, je vous prie de ne rien dire qui puisse vous être désagréable. Pourquoi vous causeriez-vous une peine ? Pourquoi…

— Parce que c’est mon devoir de vous mettre en garde contre un danger qui ne m’est que trop connu, et que vous pouvez complètement ignorer. Vous êtes l’ami de mon père, monsieur Lenoble, et il a très-peu d’amis. Je serais désolée si, dans ce que je dirai, il y avait rien qui pût le priver de votre amitié.

— Rien de ce que vous me direz ne pourra lui ôter mon amitié ; mais pourquoi persisteriez-vous à vouloir