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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

que mon pauvre père pût vous tromper, comme il s’est souvent trompé pour lui-même. Si déjà vous vous êtes laissé engager par lui dans quelque spéculation, je vous supplie de faire ce que vous pourrez pour vous en retirer… Perdez un peu d’argent, s’il le faut plutôt que de vous exposer à perdre tout. Si vous n’êtes pas encore engagé, que mon avertissement vous préserve de toute mauvaise chance.

— Ma chère mademoiselle Paget, je vous remercie mille fois de votre avis, de votre noble sollicitude pour les autres. Mais non, je n’ai rien à redouter. L’affaire dont votre père s’occupe pour moi n’est pas une spéculation. Elle ne comporte pas d’autres risques qu’une dépense de quelque mille francs et heureusement je puis en supporter la perte. Il ne m’est pas permis de vous dire de quelle nature est cette affaire parce que j’ai promis à votre père d’en garder le secret. Chère enfant, vous n’avez rien à craindre pour moi. Je ne suis pas un spéculateur téméraire ni imprudent. Les premières années de ma vie se sont passées dans une extrême pauvreté, une pauvreté voisine de la misère. C’est une leçon qu’on ne peut oublier. Comment pourrais-je assez vous remercier de cette preuve d’intérêt pour moi… si généreuse, si noble !

— Il était de mon devoir de vous mettre en garde contre la faiblesse de mon pauvre père, répliqua Diana. Si je mérite un remerciement, votre bienveillance pour lui est la seule chose que je puisse vous demander. Il a tant besoin d’un ami.

— Il est sûr d’en avoir un tant que je vivrai… ne fût-ce qu’à cause de vous. »

La fin de cette phrase fut prononcée d’un ton plus bas que le commencement.