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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

rien ; sa barbe et ses cheveux bruns à la Henri IV n’avaient pas un fil d’argent ; ses yeux brillaient comme à vingt ans ; car les yeux d’un homme dont l’âme reste jeune conservent leur lustre pendant un demi-siècle.

La haute taille, droite comme une flèche, la belle figure franche que Lenoble voyait dans la glace lorsqu’il faisait sa toilette, n’étaient pas de nature à diminuer l’espoir d’un amoureux, et Gustave, confiant par nature, jouissait de son rêve de bonheur, librement, pleinement, comme un enfant.

Il l’aimait ; il lui offrirait de la prendre pour femme ; elle accepterait ; son père se réjouirait d’une alliance aussi fortunée ; ses amis de Bayswater la féliciteraient ; et, lorsqu’il retournerait en Normandie, il l’emmènerait avec lui ; il dirait à ses enfants : Voici votre mère ! Alors la grande demeure désordonnée de Cotenoir prendrait un tout autre aspect ; les vieux meubles lourds seraient remplacés par un ameublement plus léger, plus coquet, dans le goût du jour. Le grand salon cependant serait respecté ; il s’y trouvait des tapisseries que l’on prétendait avoir été faites sur des dessins de Boucher ; des fauteuils et des sofas pur style Louis XV, trop massifs pour être déplacés.

Un petit obstacle se dressait seul devant ces projets de bonheur.

Diana était protestante.

Mais, bah ! une créature si douce, si noble, ne pouvait rester longtemps esclave de l’hérésie anglicane.

Quelques conversations avec Cydalise, une semaine de retraite au Sacré-Cœur, et la chose serait faite ; l’aimable fille renierait ses erreurs et entrerait dans le sein de la mère-Église.

Lenoble renversa l’obstacle en soufflant sur le bout