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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Je ne chercherai pas ailleurs. Je ne veux pas d’autre femme que vous. Une fois déjà j’ai eu une femme choisie par d’autres. Je veux désormais choisir moi-même. Soyons seulement amis, Diana, puisque votre décision est aussi irrévocable que la loi draconienne. Vous êtes de pierre, vous êtes dure comme le diamant ; mais n’importe, soyons amis. Votre père sera déçu dans ses espérances ; mais qu’est-ce que cela fait ? Il est certainement habitué aux déceptions. Mes filles… c’est pour elles une cruelle épreuve que d’être sans mère ; il faudra qu’elles la supportent. Cotenoir s’en ira en ruines un peu plus longtemps. Quelques rats de plus derrière les panneaux, quelques mites de plus dans les tapisseries, voilà tout. Mes enfants disent : « Papa, notre demeure est désagréable ; tout y est sens dessus dessous. » Et je leur réponds : « Que voulez-vous, mes enfants ? une maison sans une femme pour la diriger est toujours sens dessus dessous. » Et puis je les prends dans mes bras et je pleure. C’est un tableau à fendre le cœur ; mais qu’est-ce que cela fait, mademoiselle Paget ? »

Un bruit de pas pesants, accompagné d’une grosse toux, annonça l’approche du capitaine, qui sur ces entrefaites entra dans la chambre.

Si le capitaine, après être resté pendant six semaines confiné dans son appartement, eût prolongé sa première sortie jusqu’à cette heure avancée il eût commis une imprudence qui aurait pu lui coûter cher.

Heureusement il n’avait rien fait de semblable.

Il était resté inaperçu pendant que Gustave et Diana s’entretenaient près de la fenêtre, ayant quitté sa voiture au coin de la rue pour ne pas s’exposer à interrompre leur tête-à-tête au moment critique.