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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Tout le temps qui s’était écoulé depuis son retour il l’avait passé dans sa chambre à coucher, derrière la porte qui communiquait avec le salon.

Ce qu’il avait entendu avait été loin de lui plaire et, si un regard pouvait écraser, Diana eût certainement péri sous le coup de la flèche de Parthe que lui lança son père lorsqu’il s’approcha de la fenêtre, avec un sourire stéréotypé sur les lèvres et la rage dans le cœur.

Il en avait assez entendu pour savoir que Gustave avait été remercié, Gustave avec Cotenoir et une belle indépendance dans le présent, avec la fortune du défunt John Haygarth dans l’avenir, refusé par une jeune femme dénuée de toute fortune, qui à tout moment pouvait s’attendre à se trouver sans abri.

Pouvait-il y avoir une folie, une démence, pires que celle-là ?

Horatio tremblait de colère lorsqu’il prit la main de sa fille : elle avait l’insolence de lui tendre cette main en manière de salutation comme à son ordinaire.

Le capitaine la lui serra si fort qu’il la fit reculer.

« Bonsoir, mademoiselle Paget, dit Gustave gravement, mais sans avoir en aucune façon l’air abattu d’un amoureux désespéré. Je… Eh bien ! je vous verrai peut-être encore avant mon départ. Je doute que je parte demain. J’ai mes raisons pour rester encore. De folles raisons, peut-être ; mais je resterai. »

Cela fut dit trop bas pour que le capitaine pût l’entendre.

« Est-ce que vous nous quittez déjà, Lenoble ? demanda-t-il d’un ton tremblant, ne voulez-vous pas prendre une tasse de thé que Diana va nous préparer comme elle le fait habituellement ?