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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Le capitaine arpentait la chambre d’un bout à l’autre en proie à une fièvre de colère.

Diana le regardait tristement, avec des yeux étonnés.

Oui, c’était bien lui, le vieil égoïste d’autrefois ; le léopard ne peut changer les taches de sa peau ; le Paget d’aujourd’hui était le Paget du passé.

« Je vous en prie, papa, ne soyez pas en colère contre moi, dit Diana avec chagrin. En agissant comme je l’ai fait, je crois avoir rempli mon devoir.

— Une belle musique que vous me chantez là ! s’écria le capitaine trop irrité pour choisir ses expressions. Votre devoir envers qui ?… Avez-vous jamais songé, mademoiselle, que vous avez bien quelques devoirs à remplir envers moi, votre père ? Ce n’est pas pour moi vous seriez là à parler de devoirs, comme une reine de tragédie. Par Jupiter ! vous êtes sans doute un personnage trop important pour prendre en considération tout ce que j’ai fait en cette circonstance ; la peine que j’ai eue à décider Lenoble à venir en Angleterre ; la manière dont j’ai tiré parti de ma goutte pour vous avoir auprès de moi ; la finesse, l’habileté supérieure que j’ai déployées dans toute cette affaire pour la mener à bonne fin ; puis, lorsque j’ai réussi au delà de mes espérances, vous gâtez tout et vous osez venir me sermonner à propos de votre devoir ! Que vous faut-il donc dans un mari ? Je voudrais bien le savoir. Un homme riche ? Lenoble est riche. Un bel homme ? Lenoble ne l’est-il pas ? Jeune ?… il est jeune. Un gentleman bien né ? Lenoble descend d’une des meilleures familles de France. Un honnête homme ? Lenoble est l’homme le plus recommandable de la terre. Que vous faut-il donc de plus ? Voyons, morbleu ! dites ?… que Vous faut-il de plus ?