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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

appui dans ces derniers temps. Rien ne pourrait me rendre plus heureuse que de vous savoir exempt de soucis et si mon travail peut vous procurer pour l’avenir un foyer tranquille… comme je me crois en état de le faire, à moins que la volonté et l’éducation ne puissent plus compter pour rien… j’y emploierai tous mes efforts… je travaillerai pour vous. Je le ferai, mon père, avec plaisir, avec bonheur.

— Quand votre travail pourra me procurer une demeure qui vaille celle de Cotenoir, une demeure qu’un mot de vous pourrait m’assurer, alors seulement je vous remercierai.

— Si vous voulez attendre un peu, papa, si vous voulez avoir seulement un peu de patience.

— De la patience !… attendre !… que voulez-vous me dire là ? Pouvez-vous parler de patience et d’espérance dans l’avenir à un homme qui n’a plus d’avenir devant lui, à un homme dont les jours sont comptés, qui sent les froides atteintes de la mort s’appesantir sur lui. Je pourrais vivre comme j’ai vécu jusqu’à présent ! Mais savez-vous, vous souciez-vous de savoir que chaque jour la vie devient pour moi plus difficile ? Vos beaux amis de Bayswater en ont fini avec moi. J’ai dépensé le dernier sou que je recevrai jamais de Sheldon. Haukehurst m’a abandonné comme un ingrat qu’il est. Lorsqu’ils ont eu épuisé l’orange, ils ont rejeté loin d’eux l’écorce. N’est-ce pas là ce qu’a dit Voltaire quand Frédéric de Prusse lui a dit adieu ? Le ciel sait à quel point cela est vrai ! Et, maintenant vous qui, par un seul mot, pouvez obtenir pour vous-même une splendide position, oui, je dis splendide pour une malheureuse vivant dans la dépendance comme vous, et m’assurer à moi une existence convenable, il faut que vous