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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

en comprenant aussi peu son émotion que s’il eût été subitement appelé à consoler une veuve du Japon.

« Les nerfs, murmura-t-il, les natures délicates sont sujettes à ces sortes de choses. Et maintenant, mon amour, continua-t-il d’un ton plus affairé, causons sérieusement. Je pense que vous feriez bien de quitter dès à présent Bayswater pour venir habiter avec moi mon humble logement.

— Pourquoi cela, papa ?

— La raison en est facile à comprendre, mon amour. Il n’est pas convenable que vous viviez plus longtemps dans la dépendance, devant être un jour la femme de Gustave ; or, dans l’état des choses, un jour veut dire tout de suite.

— Papa ! s’écria vivement Diana, vous n’entendez pas presser à ce point ce mariage. J’y ai consenti à cause de vous ; vous ne voudriez pas être assez peu généreux pour…

— Pour vous presser ?… Non, ma chère, certainement non. Nous n’y mettrons pas une indécente précipitation : vos convenances, vos motifs délicats et désintéressés seront consultés avant tout, oui, mon amour, s’exclama le capitaine, très-effrayé de la crainte que sa fille ne vînt à changer d’avis et s’efforçant de la calmer. Rien ne sera fait que suivant vos désirs. Je suis seulement pressé de vous voir quitter Bayswater. D’abord, parce que Lenoble désirera naturellement vous voir plus souvent qu’il ne pourrait le faire si vous continuiez de vivre chez des gens dont je ne désire pas qu’il fasse la connaissance, et, ensuite, parce que vous n’avez pas besoin plus longtemps du patronage de Mme Sheldon.

— Je n’ai trouvé chez elle que bienveillance et affection, papa, nullement un patronage. Aucune considéra-