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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

tion ne pourrait me décider à quitter Mme Sheldon ou Charlotte à l’improviste ou d’une façon inconvenante. Elles m’ont donné asile au moment où j’en avais le plus grand besoin. Elles m’ont enlevé à la monotone existence d’une vie de pension qui n’eût pas tardé à faire de moi un automate misérable. C’est envers elles qu’est mon premier devoir. »

Un soupir de colère exprima seule l’indignation qu’inspirait au capitaine une remarque aussi dépourvue de pitié filiale.

« Le second sera envers vous et M. Lenoble. Laissez-moi le temps de prévenir régulièrement Mme Sheldon de ce changement de position.

— Qu’entendez-vous par prévenir régulièrement ? demanda avec humeur Horatio.

— J’entends trois mois à l’avance.

— Oh ! vraiment ! ainsi pendant trois mois encore Vous resteriez au service de Mme Sheldon et Lenoble attendrait tout ce temps-là pour vous épouser !

— Il faut avant tout que je consulte les convenances de mes amis, papa.

— Très-bien, ma chère, répliqua le capitaine avec un soupir qui ressemblait à un gémissement. Il faut que vous fassiez d’abord ce qui convient à vous et a vos amis. Votre pauvre père n’est qu’une considération secondaire. »

Puis, se rappelant avec crainte la bataille qu’il venait d’avoir avec sa fille, le capitaine s’empressa de l’assurer de son estime et de sa soumission.

« Tout aura lieu comme vous le voudrez, mon amour, murmura-t-il. À présent, allez dans ma chambre arranger vos cheveux et vous bassiner les yeux, pendant que je sonnerai pour qu’on nous apporte le thé. »