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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

se soustraire à son étreinte qui lui semblait la manifestation supérieure, spontanée d’un droit.

— Gustave maintenant, et pour toujours, ma Diana ! Il n’y a plus pour vous de M. Lenoble au monde. Dans quelques semaines vous direz : mon mari. Votre père vous a donnée à moi. Il m’a dit de me rire de vos refus et de vos scrupules, de vous vaincre, ma radieuse mignonne, comme le Petrucchio de Shakespeare vainquit sa Catherine, avec une audace téméraire qui n’admet pas de résistance. Je me conforme à ses avis. Regardez-moi bien en face, cher ange, et osez me défier de suivre ses conseils. »

Heureusement les yeux du cher ange s’étaient baissés : mais Lenoble était résolu à obtenir une réponse favorable.

« Tu le vois bien, tu n’oses pas me défier, s’écria-t-il, et pour la première fois le mot tu lui parut tendre et bon. Tu n’oses pas me dire que tu es irritée contre moi. Et l’autre, le fou, l’idiot, il est parti, pour toujours, n’est-ce pas ? Ah ! dis oui…

— Oui, il est parti, dit-elle presque dans un murmure.

— Tout à fait parti ?… La porte de ton cœur s’est fermée pour lui et on lui a flanqué son bagage par la fenêtre. C’est bien fait.

— Il est parti, murmura-t-elle doucement. Il n’a pas pu vous résister ; vous êtes si fort, si brave, et lui ce n’était qu’une ombre. Oui… il est parti… »

Elle dit cela avec un soupir de soulagement.

C’était en toute sincérité qu’elle répondait à la question de son fiancé.

Elle sentait qu’elle était arrivée à une crise de sa vie… à la première page d’un nouveau volume et que l’an-