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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

et s’il en avait été ainsi, je n’aurais pas mis mon cœur à vos pieds, quand bien même vos yeux auraient été encore plus beaux, plus doux. Nous autres hommes de premier mouvement, nous avons les perceptions vives, et nous savons mieux ce que nous faisons que nos sages amis ne se l’imaginent. Je n’ai pas eu besoin de me trouver une heure en votre compagnie pour savoir que vous êtes noble et sincère. Il y a un accent dans la voix, une expression dans le visage qui disent plus de choses que les paroles ne peuvent le faire, car, voyez-vous, les paroles peuvent être menteuses, mais l’accent et le regard ne peuvent être que vrais. Oui, mon ange, je vous connais depuis le premier soir où je vous ai vue. Mon cœur a franchi toutes les barrières des soi-disant convenances et d’un seul bond est allé au vôtre.

— Tout ce que je puis voir, c’est que vous avez meilleure opinion de moi que je ne le mérite, mais en supposant même que vous ne vous soyez pas trompé sur mon compte, je crains que vous ne vous trompiez beaucoup sur mon entourage.

— Je sais que votre père est pauvre et que le fardeau de sa pauvreté pèse lourdement sur vous. C’est tout ce qu’il m’importe de savoir.

— Non, monsieur Lenoble, cela ne suffit pas. Si je dois être votre femme, je ne veux pas entrer dans votre famille comme un imposteur. Je vous ai dit la vérité sur moi-même, quand vous m’avez interrogée l’autre jour et je me considère comme obligée de vous dire la vérité sur mon père. »

Et alors elle lui conta en mots clairs et francs l’histoire de la vie de son père.

Elle n’infligea pas à son père une honte inutile ; elle