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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

« Ainsi, il me faudra donc m’attendre à l’avoir contre moi ? se dit-il. Il ne peut me faire aucun mal réel, mais il peut me gêner, m’ennuyer. S’il avertissait Haukehurst ? Mais il n’est guère possible qu’il fasse cela. Peut-être l’ai-je un peu trop rudement traité autrefois, et pourtant si je m’étais montré plus coulant, où ses demandes se seraient-elles arrêtées ? Non ; des concessions dans des cas pareils, c’est la ruine. »

Il s’enferma dans son cabinet et s’assit devant son bureau pour se rendre compte de sa situation.

Pendant longtemps la barque qui avait porté la fortune de Sheldon avait navigué en eau trouble. Il avait été un disciple inconscient de lord Bacon, en ce sens que la hardiesse recommandée par ce philosophe avait été le trait distinctif de sa conduite, dans toutes les circonstances de sa vie.

Comme spéculateur, cette hardiesse l’avait bien servi.

Les aventures devant lesquelles les esprits timides reculent épouvantés lui avaient apporté, à lui joueur audacieux de riches moissons.

Quand quelque riche galion naviguant sur l’Océan commercial, tirait le canon d’alarme et arborait les signaux de détresse, quand menacé par la tempête, il s’élevait à la pointe des vagues et plongeait dans l’abîme sans fond où s’ouvre la vallée de la mort, Philippe était au milieu de cette bande choisie de désespérés qui osaient affronter la tempête et chercher un profit, un bénéfice dans la tourmente et la terreur.

Pendant que d’autres surveillaient les événements et attendaient qu’un rayon de soleil reparût à l’horizon, Sheldon avait déjà rapporté une belle et riche part de butin.

Les obligations de chemins de fer qui ne semblaient