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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

pas sérieuses, les actions de la Banque Unitas, immédiatement après la découverte des malversations gigantesques de Swillinger, le secrétaire de la Banque, la ligne de chemin de fer de Mole et Barrow, quand les projets de Mole et Barrow étaient encore dans les nuages et que les gens prudents prévoyaient leur insuccès, les actions d’emprunts étrangers que les Rothschild achetaient en dessous-main, toutes ces affaires et d’autres du même genre avaient attiré le capital de Sheldon et par la savante manipulation de ce capital, ainsi employé, Sheldon avait triplé la fortune que lui avait apporté son mariage avec la veuve de Halliday.

Le spéculateur avait eu la chance de se lancer sur le marché à un moment où l’on faisait fortune avec une facilité tout à fait anormale.

Il avait tiré le meilleur parti de ses avantages et n’avait négligé aucune occasion.

Il avait saisi la fortune aux cheveux et il n’avait pas attendu qu’elle se changeât en une vieille femme chauve.

Il n’avait commis qu’une erreur, et cette erreur il l’avait commise en commun avec tous ceux engagés comme lui dans le grand jeu de la spéculation, il avait pris l’anormal pour le normal ; il s’était figuré que ces magnifiques occasions étaient l’évolution naturelle et continue des événements de chaque jour, et quand cette série se rompit brusquement, quand la dernière des sept vaches grasses eut disparu pour faire place à la triste succession des vaches maigres, il n’y eut pas de débutant, d’apprenti boursier qui fût plus déconcerté que Sheldon.

La panique arriva sournoisement comme un voleur au milieu de la nuit, et elle trouva Sheldon engagé parmi les spéculateurs à la hausse.