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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Les oracles de la Bourse étaient tombés d’accord pour déclarer qu’un homme qui avait acheté des consolidés à 90 devait augmenter son capital, et, ce qui était vrai pour cette valeur, devait logiquement être vrai pour les autres.

La panique arriva et de 90 les consolidés descendirent lentement, tristement, et avec une continuité désespérante, à 85 1/2. Les autres valeurs moins sûres déclinèrent avec une rapidité en proportion de leur faiblesse constitutionnelle.

Comme lors des ravages d’une épidémie, les plus faibles sont les premières victimes du fléau, de même dans les paniques de Bourse, les fausses entreprises, les opérations hasardeuses, tombent à des taux effrayants et finissent par sombrer totalement.

L’homme qui tient un lion par la queue n’est pas dans une situation pire que le spéculateur dans ces moments de crise.

Lâcher pied, c’est réaliser une ruine immédiate, tenir tête pendant un certain temps peut être le salut, mais qui peut savoir le moment précis où il est sage d’abandonner la partie.

Mais tenir bon jusqu’à ce que la bête soit devenue de plus en plus furieuse et lâcher alors, pour être mangé tout vivant, voilà ce qui arrive à beaucoup de gens dans ces conjonctures.

Si Sheldon avait accepté sa première perte et vu dans ce fait une indication que la chance avait tourné, il aurait subi une perte considérable ; mais il resta sourd à ce premier avertissement.

Il avait une confiance implicite en son habileté, et il S’imaginait que si’autres barques sombraient dans cette tempête, sa barque à lui continuerait sa marche